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mercredi 31 octobre 2012

Cameroun : Une Liberté d'Expression dévoyée ?

Internet Sans Frontières, Pen et CPJ ont remis le 15 octobre 2012 au Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies un rapport, que vous pouvez lire ici [en], sur l'état de la liberté d'expression au Cameroun. Dans le document de 10 pages, les trois organisations dénoncent la persécution d'artistes, journalistes, et les barrières qui maintiennent le taux de pénétration d'Internet à 4%, malgré l'existence d'infrastructures adéquates.


Kiosque Presse à Douala au cameroun - vu sur oeildafrique.com

Le 19 octobre 2012, le Ministre de La Communication et porte-parole du Gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, s'est adressé lors d'une conférence de presse aux journalistes camerounais pour détailler la position du gouvernement camerounais sur ledit rapport. A titre personnel, si l'on met de côté la rhétorique habituelle excessive sur les "ennemis Camerounais de la république", je trouve que c'est une bonne chose que le Ministre ait réagit, cela signifie que le sujet est préoccupant. Des réactions de journalistes et blogueurs camerounais ont d'ailleurs enrichi le débat.

Je m'intéresserai particulièrement à un billet publié sur son blog par quelqu'un que j'apprécie, Edouard Tamba. Ancien journaliste, et s'exprimant sur Internet, comme il le précise lui-même, sa position, que vous pouvez retrouver ici, quoique juste, mérite d'être critiquée à certains égards.

Il convient tout d'abord de préciser certains éléments. Contrairement a ce qui a pu être rapporté, il ne s'agit pas d'une plainte de ISF/PEN/CPJ contre le Cameroun, le Conseil des droits de l'homme n'étant pas une juridiction ; mais plutôt d'un rapport d'observations de manquements à des engagements internationaux du Cameroun en matière de droits de l'homme, remis dans le cadre de l'examen périodique universel. Une procédure spécifique au Conseil des droits de l'Homme pendant laquelle chaque État membre de l'ONU a la possibilité de s'expliquer sur la situation des droits de l'homme sur son territoire.  

Sur la question de la liberté de la presse au Cameroun

Le rapport dont il est question relève que la législation camerounaise est détournée et utilisée pour entraver le travail des journalistes camerounais. Les organisations s'appuient notamment sur le cas de Germain Cyrille Ngota Ngota, dit Bibi Ngota, ancien directeur de publication de l'hebdomadaire Cameroun Express décédé en prison le 22 avril 2010. Le rapport n'est d'ailleurs pas le premier à dénoncer cette interprétation abusive faites par les autorités camerounaises, et leur technique qui consiste à transformer des délits de presse en "simples" délits de droit commun : la Fédération des Journalistes Africains (FJA), dans un rapport de 2010, relevait déjà que ces quatre dernières années, au moins 14 journalistes reconnus ont fait l'objet de ce harcèlement pénal. Lors de sa conférence de presse du 19 octobre 2012, le Ministre de la communication a réaffirmé que les délits de presse ne sont pas passibles de peine privatives de liberté ; toutefois, il distingue les infractions de droit commun pour lesquelles il reconnait que des journalistes peuvent être emprisonnés, confirmant ainsi le discours dénoncé par Internet Sans Frontières, Pen, CPJ et la FJA.

 Cette rhétorique semble fonctionner, puisque c'est avec surprise que j'ai réalisé que le cas de Bibi Ngota, comme celui d'Enoh Meyomesse, actuellement en détention provisoire depuis 11 mois, ou encore Lapiro de Mbanga, emprisonné lui aussi en 2008, ne trouvent grâce aux yeux de certains commentateurs.

 L'affaire Bibi Ngota commence le 10 mars 2010 lorsque ce dernier et deux de ses confrères sont arrêtés par la Direction Générale des Renseignements Extérieurs, le service de renseignement camerounais, au motif qu'ils auraient produit de faux documents mettant en cause le Secrétaire Général de la présidence de l'époque, Laurent Esso, dans une affaire de rétro commissions. Il a été placé dans une des ailes de la prison centrale de Yaoundé, Kondengui, appelée Kosovo, nom inspiré par les conditions de détention qui y sont particulièrement déplorables. Le journaliste et ses confrères ont toujours nié être les auteurs du faux, et ont expliqué que le document devait leur servir pour une interview sollicitée auprès du Secrétaire Général dans le cadre de l'investigation qu'ils disaient mener. Un mois après son arrestation, le journaliste trouvait la mort en cellule. Que s'est-il passé ? Selon le gouvernement camerounais, Bibi Ngota aurait succombé en quelques jours à une infection opportuniste liée au virus du SIDA, bien que la famille nie la réalité de cet état de santé. Pourquoi a-t-il été emprisonné malgré un état de santé déjà préoccupant ? Pourquoi est-ce la DGRE qui a été chargée d'abord d'enquêter sur ces délits de droit commun que sont le faux et l'usage de faux ? Malgré la mobilisation des journalistes camerounais et de la famille de l'ancien directeur de publication, aucune enquête indépendante n'a été menée pour déterminer les causes exactes de sa mort, et faire la lumière sur les accusations de torture faites par ses proches.

Bibi Ngota est-il mort pour son travail de journaliste ? A défaut d'enquête nous ne pourrons répondre avec certitude. Les autres cas cités dans le rapport ISF/PEN/CPJ méritent-ils de passer par la case prison ? Je ne pense pas, car je crois en la présomption d'innocence, et considère que rien ne justifie qu'un citoyen soit placé en détention provisoire, c'est à dire sans jugement, pendant une durée bien trop longue et dans des geôles dont on connait l'état de déliquescence.

Au contraire, je vois dans ces différents cas des exemples de cette loi, interprétée, détournée par le gouvernement camerounais pour empêcher des investigations qui le gêneraient. Oui effectivement, on peut citer l'existence de plus de 500 publications au Cameroun. Mais pluralisme ne veut pas dire indépendance et encore moins liberté de la presse. Bien au contraire, pour poursuivre la réflexion entamée par mon ami Florian Ngimbis sur son blog, une presse qui aboie tous les jours sur l'homosexualité de l'homme d'état Camerounais est beaucoup moins dangereuse que celle qui s'intéresse de trop prêt à la mauvaise gestion de notre pays.

En définitive, c'est le lecteur et citoyen camerounais qui est pris en otage : rappelons nous le rôle véritable de la presse, vous savez ce quatrième pouvoir sensé permettre au citoyen de garder un œil sur les actions et le bilan de ceux qu'il a élu. Les journalistes camerounais n'ont aujourd'hui pas les moyens, aussi bien financiers que juridiques, de fonctionner librement, pas les moyens d'enquêter, comme le relève parfaitement Edouard Tamba. Alors que font-ils? C'est moins compliqué et ça coûte moins cher d'enquêter sur la prétendue homosexualité d'un ministre que d'enquêter sur le dysfonctionnement de nos institutions.

Bien sûr il faut réprimer les abus d'une certaine presse, mais autrement que par l'utilisation abusive du système carcéral, au risque d'avoir d'autres Bibi Ngota. L'arsenal juridique camerounais peut prévoir les peines adéquates pour ce type d'infractions : pourquoi pas des amendes, ou encore l'insertion d'un communiqué de presse relatif à la condamnation de la publication litigieuse. La protection des sources journalistiques doit aussi être une priorité.

Loin d'être contre le Cameroun, ce rapport permet ce débat qui anime toutes les démocraties aujourd'hui, même les plus "exemplaires". A l'approche des États Généraux de la Communication, prévus du 5 au 7 décembre 2012, s'interroger sur les faiblesses de la presse camerounaise, sur le statut du journaliste camerounais ne peut que participer à l'émergence de cette presse indépendante, et donc performante, grâce à laquelle le gouvernement ne serait plus à la merci des dépêches de telle ou telle autre agence internationale. Une presse capable de produire à l'attention des citoyens camerounais une information de qualité. Pourquoi pas un jour un Al Jazeera Camerounais ?  

Sur la liberté d'expression et d'accès à Internet

Après avoir rappelé les engagements internationaux du Cameroun en la matière, et la législation nationale, le rapport pointe le taux de pénétration ridiculement bas d'Internet au Cameroun (4% selon l'UIT). Ridicule parce que ce n'est pas le défaut d'infrastructures qui explique ce chiffre, mais un défaut de gouvernance... je n'ose pas dire mauvaise gouvernance.

Comment expliquer que le Gabon, pays voisin du Cameroun, facture aux Fournisseurs d'Accès à Internet (FAI) 295 USD 1264 Kpbs de bande passante, quand au Cameroun ceux-ci doivent payer 2363 USD ; alors que la connectivité de ces deux pays est assurée par le même cable sous marin, le SAT3 ? Selon le rapport, cet état de fait est du en grande partie au manque de libéralisation du marché des télécommunications camerounais, et la position dominante de la compagnie nationale, qui détient et abuse du le monopole de la gestion de l'accès des FAI à la bande passante. Ajoutons à cela des autorités de régulation dont l'indépendance est discutable, et l'on obtient un coût d'accès à Internet exorbitant pour le consommateur camerounais. Pourtant, le Cameroun proclame le droit à un accès universel dans sa loi nº2010/013 (article 4 et 27 ensembles).

Ces barrières tarifaires, ce manque de gouvernance, combinés à une loi sur la cyber sécurité et la cyber criminalité ne favorisent pas une participation plus importante des camerounais sur Internet.

Mes réflexes de juriste m'ont poussée à rechercher un commentaire de la loi nº2010/012 sur la cybercriminalité. Faute d'en avoir trouvé, je m'y suis attelée, et j'ai été quelque peu gênée de constater que le parlement camerounais semble partir du principe que tout internaute camerounais est un cybercriminel en devenir. En effet les FAI et les fournisseurs de contenu sont tenus par cette loi de conserver les données de leurs utilisateurs pendant 10 ans, et les représentants de la force publique peuvent y avoir accès sur simple demande, sans que des circonstances de temps et de lieu ne soient précisées, et sans que l'intervention de l'autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles, ne soit requise. On ne sait pas de quelle données il s'agit. Ne parlons pas du droit à l'oubli qui ne semble pas avoir préoccupé plus que cela nos parlementaires : ce que j'ai écrit ou fait sur la toile il y a 10 ans ne correspond pas forcément à mes intérêts actuels.

C'est parce que des restrictions aux libertés individuelles sont en jeux que la loi doit être strictement définie, et doit prévoir la mise en œuvre de moyens juridiques proportionnels au but et à l'infraction poursuivie. C'est justement ce que le rapport reproche à cette loi : parce qu'elle est disproportionnée et insuffisamment précise, elle porte en elle un caractère liberticide. S'il est vrai qu'elle n'a pas encore trouvé à s'appliquer, il demeure que nous ne savons pas qui demain dirigera le Cameroun, notre cher et beau pays pourrait tomber entre les mains d'un individu ou d'un pouvoir peu scrupuleux.

 Loin d'être un outil dont on devrait avoir peur, Internet est aujourd'hui reconnu comme outil de développement social et économique. Une étude [en], dont je parlais déjà dans ce billet, a démontré qu'en Inde, 10% d'accroissement du nombre d'internautes correspondent à 1,08% de croissance supplémentaire du PIB. A bon entendeur...

mercredi 23 mai 2012

Internet At Liberty 2012 Conference: Let's Discuss The Future Of Free Speech Online

What is the future of freedom of expression on the Internet, at a time when in several parts of the world, governments (fr) are increasingly advocating for the control of the digital space ?

Hard at work 6/365
Hard at work 6/365Par Louish Pixel ☆ CC - Flickr / Creative Commons


Internet activists, academics, and policy makers will discuss this issue on May 23, and May 24, 2012 during the Internet at Liberty conference, sponsored by Google in Washington DC.

I have the honour to attend the event, live from the Newseum. I am really looking forward to exchanges on this crucial issue: free speech online is particularly at risk on the African continent.

A livestream of the conference will be available on Youtube. You can use hashtag #InternetLiberty on Twitter and follow @InternetLiberty for updates, comments and questions.

Agenda

lundi 9 avril 2012

La micro-influence digitale des jeunes africains

Selon différentes estimations de la Banque Mondiale, plus d'un quart du PIB du Cameroun proviendrait de l'activité économique de sa diaspora.

Cette influence ne se limite pas simplement aux transferts des fonds : La conférence au cours de laquelle j'interviendrai le Samedi 14 Avril 2012 portera sur les pistes de réflexion autour des voies que peuvent emprunter les jeunes de la diaspora pour influencer aussi le développement de leurs pays. Elle jouit en effet aujourd'hui d'un contexte plutôt favorable.

Un continent jeune

L'âge médian au Cameroun est de 19 ans, autrement dit, 1 camerounais sur 2 a moins de 19 ans. Ramené à l'ensemble du continent, la statistique tombe à 17 ans. Ce chiffre nous renseigne sur l’extrême jeunesse démographique de l'Afrique. Mais il suggère également la nécessité pour les jeunes de la diaspora de créer un lien direct avec cette jeunesse pleine de ressources qui vit sur le continent. Cette idée trouve un écho dans la place prépondérante que prend Internet dans l'économie et le développement des nations. Une étude vient de démontrer qu'en Inde, 10% d'accroissement du nombre d'internautes correspond à 1,08% de croissance supplémentaire du PIB.

Une révolution numérique en marche

Quelle est la place et le rôle de cette jeunesse dans ce monde où la circulation des personnes, des biens et des idées donne de l'espoir aux uns, et inquiète les autres?


Je m’intéresserai particulièrement à la circulation des idées et de l'information car une révolution en la matière est en marche sur le continent africain. À l'image de cette vidéo sur la circulation des personnes, qui décrit 24 heures d'activité de l'aviation civile dans le monde, l'Afrique Sub-saharienne entre dans le concert numérique mondial. Le contient est l'endroit du monde où le taux de croissance du taux de pénétration d'Internet a été le plus fort entre 2005 et 2010, avec 34% selon les estimations de l'Union Internationale des Communications. Les photos suivantes attestent de ce dynamisme naissant: elles représentent le volume des recherches effectuées sur le moteur Google en fonction de la langue.

Google Globe Experiment - le volume des recherches par langue dans le monde http://workshop.chromeexperiments.com/globe-search
On voit distinctement les grands faisceaux lumineux verts clair aux endroits géographiques correspondant à l'Île-de-France et la grande banlieue de Londres en bleu ciel. Plus loin à gauche de l'autre côté de l'Atlantique, on distingue la côte Est américaine. La croissance démographique conjuguée à celle du taux de pénétration indique que d'ici 2 à 3 ans la carte ci-après sera sensiblement différente.
Google Globe Experiment - le volume des recherches par langue dans la bande Nilo-Sahélienne et le Golfe de Guinée http://workshop.chromeexperiments.com/globe-search

Mon propos lors de la conférence organisée par l'Association Versatile sera de mettre l'accent sur les enjeux liés à la présence et à la participation digitale de la jeune diaspora camerounaise, et la nécessité d'approfondir les liens avec leurs pairs et amis qui vivent au Cameroun et dont les objectifs et réalités ne sont plus si éloignées à l'heure de l'hyper dématérialisation des échanges.

Je vous invite à venir nombreux prendre part à la discussion.


mercredi 9 novembre 2011

Interview pour le magazine "The Epoch Times": L'émergence d'une nouvelle classe politique malgré la victoire de Paul Biya

Interviewée pour le journal international { The Epoch Times } sur les élections au Cameroun, j'explique que « l' élection de 2011 est considérée par les camerounais comme un tournant à partir duquel le Cameroun pourra construire une meilleure opposition et une société civile plus efficace, et à partir duquel plus de citoyens s'engageront à apporter une alternative au régime de Biya. » Je parle aussi du rôle accru joué par les réseaux sociaux utilisés par de plus en de camerounais sur place ou par ceux de la diaspora.

Retrouvez l'article publié sur le site du magazine ici.

jeudi 7 octobre 2010

Apps4Africa : Hillary Clinton félicite la Silicon Valley Africaine

Lancée en Juillet 2010 à Nairobi par le secrétariat d'Etat américain aux affaires étrangères, la compétition Apps4Africa mettait à l'épreuve des développeurs africains qui devaient proposer des innovations technologiques capables de répondre à des problèmes allant de la gouvernance à la santé et l'éducation. Des acteurs clefs du secteur privé furent étroitement associés au concours, notamment iHub, Appfrica labs et SODNET.

Apps4Africa s'inscrit dans le cadre de l'initiative du département d'Etat "Société civile 2.0". Inaugurée lors d'un discours d'Hillary Clinton prononcé le 3 Novembre 2009, l'initiative a pour but de renforcer les capacités de la société civile et des organisations non gouvernementales (ONG) locales grâce aux techniques informatiques, afin de leur permettre de gérer et poursuivre leurs programmes et trouver des solutions à leurs problèmes communs.



Les gagnants ont été choisis en fonction de leur impact potentiel, la créativité et l'ingéniosité de leur application. Voici une liste non exhaustive des outils sélectionnés

-Le gagnant du concours est l'application iCow, prodution du kényan Charles Kithika. Elle permet aux fermiers, grâce à une fonction vocale sur leur portable, de suivre et surveiller les périodes de fertilité de leurs vaches dans le but de maîtriser la reproduction des bêtes et ainsi maîtriser le fonctionnement de leur ferme.

-Le deuxième sur le podium est Kleptocracy Fighters inc. Outil le plus intéressant selon moi, il permet aux citoyens d'enregistrer et rapporter en temps réel toute information relative à la corruption d'un gouvernement. Les rapports seront transmis à des partenaires juridiques et médiatiques pour suivi.

-Mamakiba est le troisième lauréat de la compétition : cette application permet à des femmes enceintes de mettre de l'argent de côté pour la naissance de leur bébé.

Pour en savoir plus sur les lauréats et les autres applications récompensées, rendez-vous ici.

Cela m'amène à poser la question suivante : une initiative similaire existe-t-elle au niveau européen ? Force est de constater que non, et pourtant, on peut penser qu'à l'instar du gouvernement américain, l'Europe aurait également intérêt à se servir des moyens technologiques, auxquels les africains ont de plus en plus accès, pour promouvoir sa politique de développement.

jeudi 23 septembre 2010

La nouvelle constitution Kényane, un heureux précédent pour les institutions en Afrique sub-sahélienne ?

“L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions.” C’est ainsi que le Président Barack Obama s’adressait au parlement Ghanéen lors de sa visite à Accra en 2008. Cette phrase pourtant courte porte en elle la clef du développement pour le continent africain selon moi. L’adoption par référendum de la nouvelle Constitution kényane le 4 août dernier est l’illustration parfaite des mots prononcés par le président américain.

Nous nous souvenons des évènements qui ont marqué ce pays en 2008 : Après l’élection de Mwai Kibaki à la magistrature suprême en 2007, des violences éclatèrent dans le pays. Sur fond d’opposition politique entre les partisans du candidat élu, et ceux de son opposant, se tramait en réalité des affrontements ethniques qui firent plus de 1000 morts, et causèrent le déplacement de 250 000 personnes. La communauté internationale s’est mobilisée sur la question,et Kofi Annan fut envoyé comme médiateur. Un accord de partage de pouvoir fut signé entre les deux protagonistes, l’Accord National et Acte de Réconciliation, créant un gouvernement de coalition, présidé par Odinga en tant que Premier Ministre. C’est ainsi que le processus vers l’adoption d’une nouvelle Constitution fut enclenché. Deux ans plus tard, un texte que l’on peut saluer pour sa teneur juridique, est approuvé à une très large majorité par les Kenyans (67,5 %). 



Ce texte est intéressant à tous points de vue, et c’est la raison pour laquelle je dois avouer être surprise du peu d’écho qui lui aura été accordé dans les médias français. Juridiquement, la nouvelle Constitution, tout en maintenant un régime présidentiel, offre des limitations au pouvoir Exécutif, augmentant par la même ceux du législatif : un Sénat est créé, une procédure de destitution du président est prévue, et l’Assemblée Nationale doit approuver les nominations de ministres. On retrouve là une application stricte de la théorie de Montesquieu. Un nouvel échelon administratif est créé, facilitant ainsi une gestion locale. En outre, le nouveau texte ouvre une garantie des droits des citoyens grâce à la proclamation d’une Charte de droits fondamentaux, et grâce à la création d’une Cour suprême.

Mais ces règles ne peuvent avoir de réelle efficacité si aucune volonté politique n’est manifestée. C’est à ce niveau que se situe la réelle possibilité de changement : l’adoption de la nouvelle constitution a été rendue possible grâce à une pression extrême exercée par la communauté internationale et par la société civile kényanne sur les deux camps au pouvoir. Si cette dernière profite de ce rapport de force favorable, et maintient la pression sur les dirigeants, c’est seulement à cette condition que pourra être assurée la mise en application et le respect du texte par les gouvernants. Concrètement, une des solutions serait que la société civile kényanne tire profit des moyens technologiques à sa disposition. Et ce pays, encore une fois, jouit d’une avancée considérable en la matière : je donnerais deux exemples.

Le premier concerne un outil qui existe depuis 2006 : il s’agit du blog Mzalendo ; celui-ci permet aux citoyens kenyans de suivre et de commenter l’activité de leurs parlementaires, dans le but de pouvoir juger leur action. C’est une mise en application de la notion de RESPONSABILITE ( ou ACCOUNTABILITY), notion dont la généralisation et la systématisation sont nécessaires pour assurer le respect des règles établies, et la pérennité de celles-ci.
Le deuxième exemple, un peu plus connu, servira à montrer comment à travers sa société civile, toute la population Kényanne a été scrupuleusement associée au processus constitutionnel : Sur le modèle d’Ushahidi (signifiant “témoignage” en kiswahili, il s’agit d’une plateforme participative créée en 2007 pour permettre aux citoyens de signaler les incidents ayant lieu pendant les évènements sanglants qui ont traversé le pays) une équipe de jeunes activistes blogueurs kenyans a développé Uchaguzi, une version customisée d’Ushahidi permettant aux électeurs de signaler tout incident électoral ayant lieu le 4 août 2010, jour du référendum constitutionnel. Grâce à cet outil, une autre notion, importante en démocratie, venait trouver sa place dans le paysage politique : celle de TRANSPARENCE.



Bien sûr, nous n’avons pas assez de recul pour savoir si oui ou non tout cela aura porté ses fruits, mais je pense qu’il était important de saluer cette avancée, et encourager celles qui se profilent. Surtout, cela nous permet de sortir de la spirale afropessimiste qui anime encore nombre d’africains eux-mêmes.